A travers l’objectif
Récemment, Valentine et moi nous sommes faits plusieurs fois la réflexion que nous ne prenions plus beaucoup de photos. Ni en soirée avec nos amis, ni en vacances ou en famille. Nous sommes à l’extrême des pratiques de la majorité des gens à l’ère de l’image, de la vidéo, où celles-ci se suffisent à elles-mêmes, et où aucune explication n’est plus nécessaire. Chacun se doit d’en montrer un maximum sur les réseaux sociaux et de partager en temps réel chacune de ses découvertes, chaque endroit visité, chaque soirée passée, chaque situation grotesque ou amusante. Finalement on se retrouve à montrer à nos amis ce que l’on vit, mais pas ce que l’on pense. Et je crois que c’est ce gavage d’images dans tous les sens qui m’a vacciné, d’autant plus que je n’aime pas être le chiant qui flashe dans tous les sens en soirée, que je ne suis jamais vraiment satisfait de mes photos et que je ne vois pas l’intérêt de partager un album de 150 prises de vue sur Facebook en revenant de vacances… Ça nous rappelle tous une vieille tante qui ressort des kilomètres de diapos de voyage ou les 3 heures de film du baptême du petit cousin à chaque fois qu’elle vous voit. Pourquoi ne pas faire une sélection ? En 3 minutes de vidéo on résume un mariage, en 20 photos marquantes, un voyage…
Je n’ai jamais été très paparazzi en soirée ou ailleurs, mais ce désaveu de la photo est encore pire ces derniers temps, il devient impossible de ramener plus d’une dizaine de photos (quand elles ne sont pas loupées) sur quinze jours de vacances… Sûrement parce qu’à chaque fois que nous sortons l’appareil, on sait qu’il faudra faire un tri parmi la multitude de photos prises et qu’on ne le fait jamais. Sûrement aussi parce que nous vivons les évènements en profitant à fond et sans se préoccuper de ce que nous pourrions montrer à notre entourage après coup. Alors que je filmais un baptême dans la famille en décembre dernier, j’ai vu ce que ça faisait de vivre un moment important à travers l’objectif. Ma vision des choses change, devient distante, froide, calculée, et en sortant de l’église, je me suis dit que tout ce dont je me souviendrai de ce moment dans quelques années, c’est que je filmais…
Je ne sais pas ce qu’auraient été mes souvenirs de soirées d’étudiant si j’avais été celui qui jouait le photographe, mais alors que je regrette souvent de ne pas avoir de photos de tel ou tel instant, je suis toujours content de l’avoir vécu pleinement parce que je ne me préoccupais pas de ce que ça donnait sur l’écran. Quelqu’un m’a dit un jour, mais je ne crois pas que ce soit de lui « la photographie c’est l’art d’implorer l’éphémère de subsister ». Toute l’idée est résumée en quelques mots, réussir à trouver le juste milieu : vivre le moment en l’appréciant et le trouver assez unique pour sortir son appareil, faire des photos pour soi, qui sont suffisamment belles et pleines de sens pour ne pas être mises à la corbeille un an après en faisant du vide sur l’ordi…
Photographie de Redhauser (CC BY-NC 2.0)