Après-midi Lego-Renaud
La boule à zéro Et la morve au nez On n´était pas beau Mais on s´en foutait Le mercurochrome Sur nos genoux pointus C´était nos diplômes D´l´école de la rue |
Le seul vrai enfer Qu´on avait sur terre Il était dans l´ciel De nos pauvres marelles On avait dix ans Pis on ignorait Qu´un jour on s´rait grands Pis qu´on mourirait |
Retombé récemment sur cette chanson que j’adorais gamin et que je n’avais pas réécouté depuis des lustres, je me suis dit que c’était l’occasion d’écrire quelques lignes sur Renaud d’abord et sur des souvenirs d’enfance…
Un cédé de Renaud dans la chaîne hifi, une caisse de Lego renversée sur le sol de la chambre d’Aurélien ou de Simon, et l’un d’entre eux, heureux comme tout de donner le top départ de l’une de nos régulières après-midis passées à construire vaisseaux, forteresses imprenables et véhicules futuristes en tous genres. C’est sûrement le souvenir que je décrirai en premier si l’on me demandait de parler des petits plaisirs de mon enfance (en seconde place arriveront quelques années plus tard les balades en vélo et virées dans la décharge sauvage qui était derrière chez moi). De telles après-midi ont été nombreuses, avant le traditionnel goûter pain de mie grillé/Nutella chez Simon, ou après une longue rando chez Aurélien. Assemblant, mixant et améliorant sans complexe nos meilleures constructions pour donner des petits chefs-d’œuvre d’ingéniosité et alimentant nos débats sur l’ajout de telle pièce ou sur l’utilité stratégique de telle porte en cas d’affrontements avec d’hypothétiques ennemis, nous nous sentions invincibles, tout-puissants, à manipuler les reproductions miniatures de nos vies fantasmées d’adultes.
Renaud en toile de fond de nos élans créatifs, c’était d’abord notre manière à nous d’apprendre des gros mots, mais pour moi ce fût surtout l’occasion de sortir de ma bulle d’enfant et d’interroger pour la première fois mes parents sur tout ce que je ne comprenais pas bien à l’époque : intolérance, racisme, inégalité… Autant dire qu’en réécoutant ces albums bien plus tard, je découvris qu’il y avait beaucoup plus à entendre et que je ne comprenais pas les textes comme un adulte le pouvait. L’agréable surprise, c’est qu’en plus des valeurs que Renaud défend dans ces textes, j’en avais tiré un vrai besoin d’écrire, un cynisme assez prononcé et la raison pour laquelle cette chanson me plait tellement : l’envie de ne pas complétement oublier cet enfant qui reste toujours planqué quelque part en nous. Ce côté enfantin, qui nous supplie de ne pas complétement perdre notre naïveté, qui aime s’amuser, créer et vivre pleinement, je ne l’avais vraiment pas perdu, mais Valentine l’a ravivé, et tout est beaucoup plus vrai depuis, chaque instant semble plus simple, loin des raisonnements alambiqués des grands…
Extrait de la chanson Le sirop de la rue de Renaud Séchan.
Photographie de Tim Ellis (CC BY-NC 2.0).